Abbé Hugues-Félicité Robert de Lamennais (1782-1854)
LES MORTS
Ils ont aussi passé par cette terre;
ils ont descendu le fleuve du temps;
on entendit leurs voix sur ses bords,
et puis l’on n’entendit plus rien.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Pendant qu’ils passaient, mille ombres vaines se présentèrent à leurs regards;
le monde que le Christ a maudit leur montra ses grandeurs,
ses richesses, ses voluptés;
ils les virent, et soudain ils ne virent plus que l’éternité.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Semblable à un rayon d’en haut, une Croix
dans le lointain apparaissait pour guider leur course,
mais tous ne la regardaient pas!
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Il y en avait aussi qui disaient : Qu’est-ce que ces flots qui nous emportent?
Y a-t-il quelque chose après ce voyage rapide?
Nous ne le savons pas, nul ne le sait.
Et comme ils disaient cela, les rires s’évanouissaient.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Il y en avait aussi qui semblaient dans un recueillement profond,
écouter une parole secrète,
et puis, l’œil fixé sur le couchant, tout-à-coup ils chantaient une aurore invisible
et un jour qui ne finit jamais.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Entraînés pêle-mêle, jeunes et vieux,
tous disparaissaient tels que le vaisseau que chasse la tempête.
On compterait plutôt les sables de la mer que le nombre de ceux qui se hâtaient de passer.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Ceux qui les virent ont raconté qu’une grande tristesse était dans leur cœur;
l’angoisse soulevait leur poitrine, et, comme fatigués du travail de vivre,
levant les yeux au ciel, ils pleuraient.
Où sont-ils? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur!
Des lieux inconnus, où le fleuve se perd, deux voix s’élèvent incessamment.
L’une dit: Du fond de l’abîme j’ai crié vers vous, Seigneur;
Seigneur, écoutez mes gémissemens, prêtez l’oreille à ma prière.
Si vous scrutez mes iniquités, qui soutiendra vos regards?
Mais près de vous est la miséricorde et une rédemption immense !
Et l’autre : Nous vous louons, ô Dieu, nous vous bénissons;
Saint, saint, saint est Le Seigneur Dieu des armées !
La terre et les cieux sont remplis de votre gloire!
Et nous aussi, bientôt nous irons là d’où partent ces plaintes ou ces chants de triomphe.
Où serons-nous ? Qui nous le dira?
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur.
Übersetzung von Marie Lipsius (La Mara)
DIE TOTEN
Gleich uns wandelten sie einst auf Erden
und glitten hinab im Strome der Zeit.
An seinen Ufern erklangen ihre Stimmen,
doch keiner, keiner vernimmt sie mehr.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Da sie lebten, umgaben sie eitle Schatten;
die Welt, die Christus verdammte,
zeigte ihnen ihre Lust und Herrlichkeit.
Sie freuten sich ihrer; nun aber sahen sie mehr als die Ewigkeit.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Als Leitstern auf ihrem Lebenspfade leuchtete ihnen
von fern das Himmelslicht eines Kreuzes;
alle aber gewahrten es nicht.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Ihrer manche fragten: »Wohin tragen uns
die Fluten? Erwartet uns ein Ziel nach ruhloser Fahrt?
Wir wissen's nicht, und keiner weiß es.«
Und da sie so sprachen, erstarb alles Lachen.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Und andere schienen, tiefer Andacht voll,
einer geheimen Botschaft zu lauschen; den Blick gen Abend gerichtet,
sangen sie von einer unsichtbaren Morgenröte und einem nie endenden Tag.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Im Wirbel fortgerissen, jung und alt,
verschwanden sie alle, wie das Schiff, das der Sturm entführt.
Eher konnte man die Sandkörner des Meeres zählen,
als die Schar derer, die eilends dahinglitten.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Die, sie vorübertreiben sahen, bezeugten, daß ihr Herz von tiefer Traurigkeit erfüllt war,
dass Angst ihre Brust durchwühlte und dass sie–wie müde der Last des Lebens–
die Augen zum Himmel wandten und weinten.
Wo sind sie? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
Zwei Stimmen werden laut, wo der Strom an unbekannten Ufern mündet.
Die eine spricht: »Aus des Abgrundes Tiefen habe ich dich gerufen, Herr.
Herr, höre mein Seufzen, neige meinem Bitten dein Ohr!
Wenn du unsre Sünden wägst, wer soll vor deinem Blick bestehen?
Aber bei dir ist Barmherzigkeit, ist Erlösung!«
Und die andere Stimme: »Herr Gott, wir loben dich und preisen dich:
Heilig, heilig, heilig ist Gott der Herr.
Himmel und Erde sind deiner Ehre voll!«
Auch wir, wir alle gehen dahin, von wo diese Klagen oder Lobgesänge ertönen.
Wo werden wir dann sein? Wer sagt es?
Selig sind die Toten, die im Herrn sterben!
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